CHAPITRE 2 : DIFFERENDS COLLECTIFS (2015)

SECTION 1 :

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 82.1

Les dispositions du présent chapitre sont applicables au règlement de tout différend collectif de travail. Elles ne s’appliquent aux travailleurs des services et établissements publics qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques.

Le différend collectif s’entend d’un différend qui naît en cours d’exécution d’un contrat de travail et qui oppose un ou plusieurs employeurs à un groupe organisé ou non de travailleurs pour la défense d’un intérêt collectif.

ARTICLE 82.2

Les salariés ont le droit de se mettre en grève.

La grève est un arrêt concerté et collectif du travail décidé par les salariés pour faire aboutir des revendications professionnelles.

En cas de grève un service minimum doit être assuré. Ce service minimum n’est possible que dans les cas suivants:

  • dans les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne, dans une partie ou dans l’ensemble de la population ;
  • dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme mais où les grèves d’une certaine ampleur et durée pourrait provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales d’existence de la population ;
  • dans les services où l’entretien des machines devra être assuré pour éviter leur détérioration consécutive à un arrêt total.

Les secteurs déterminés et les effectifs requis pour assurer ce service minimum seront fixés par voie règlementaire sur proposition de la Commission indépendante permanente de concertation.

Sous réserve des dispositions de l’article 82.18 du présent Code, la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au travailleur.

ARTICLE 82.3

Le lock-out est la fermeture de tout ou partie d’une entreprise ou d’un établissement décidée par l’employeur à l’occasion d’une grève des salariés de son entreprise.

Le lock-out est prohibé et n’est exceptionnellement licite que lorsqu’il est justifié par un impératif de sécurité ou lorsque la procédure de déclenchement de la grève n’a pas été respectée.

Dans les cas exceptionnels où le lock-out est licite, il prend fin dès que les causes qui le justifient disparaissent.

Le lock-out licite entraîne la suspension du contrat de travail et dispense l’employeur de verser au salarié la rémunération habituellement due pour la période concernée.

ARTICLE 82.4

Les piquets de grève qui s’accompagnent de violences ou d’entraves à la liberté du travail, par contrainte exercée sur les non grévistes sont interdits.

SECTION 2 :

PREAVIS DE GREVE ET CONCILIATION

ARTICLE 82.5

Toute grève doit être précédée d’un préavis permettant la négociation entre les parties.

Le préavis de grève est déposé, par les représentants des salariés, auprès de la direction de l’entreprise, de l’établissement et le cas échéant auprès des unions patronales de la branche d’activité. Sa durée est de six (6) jours ouvrables.

Est interdite toute grève déclenchée dans l’inobservation du préavis prévu à l’alinéa 1.

ARTICLE 82.6

A peine de nullité, le préavis de grève doit être notifié par écrit à l’autorité compétente de l’Administration du Travail du ressort ou à défaut, à l’autorité préfectorale. Cette notification comporte les raisons et les revendications formulées par les organisations syndicales déposant le préavis de grève, à défaut, par les délégués du personnel ou les salariés.

Dès que le préavis de grève est notifié à l’autorité compétente, celle-ci doit prendre l’initiative d’une négociation avec les parties en conflit.

ARTICLE 82.7

Les parties en conflit sont tenues de se rendre à toutes convocations et réunions de concertation et de conciliation organisées par l’autorité compétente.

ARTICLE 82.8

Tout différend collectif est obligatoirement soumis dans les conditions fixées par décret à la procédure de conciliation. Le décret fixe notamment la durée maximale de la procédure de conciliation.

ARTICLE 82.9

En cas d’échec de la conciliation, les parties peuvent recourir :

  • soit à la procédure conventionnelle d’arbitrage, s’il en existe en application de l’article 73.3 alinéa 14 du présent Code ;
  • soit à la procédure d’arbitrage prévue à la section ci-après, si les parties en conviennent;
  • soit à la procédure de la médiation prévue ci-dessous.

Pour chacune des deux dernières procédures, le Conseil national du dialogue social peut être saisi.

SECTION 3 :

ARBITRAGE

ARTICLE 82.10

Lorsque les parties conviennent de soumettre le différend à la procédure d’arbitrage, elles sont tenues d’en exécuter la sentence.

Elles doivent préciser si elles entendent recourir à la désignation d’un arbitre unique ou d’un comité arbitral composé d’un magistrat et de deux arbitres.

L’arbitre unique ou les membres du comité arbitral sont désignés par les parties ou, à défaut d’accord entre celles-ci, dans les cinq (5) jours ouvrables de la soumission du différend à la procédure d’arbitrage selon des conditions fixées par décret. Ils sont choisis parmi les personnes susceptibles de remplir les fonctions d’arbitre dont la liste est établie chaque année par arrêté du ministre chargé du Travail sur proposition des organisations syndicales d’employeurs et de travailleurs. Cette liste comprend des personnalités choisies en fonction de leur autorité morale et de leur compétence en matière économique et sociale.

ARTICLE 82.11

L’organisme arbitral rend dans un délai de douze (12) jours à compter de la réception du dossier de l’affaire la sentence arbitrale qui doit être motivée. Ce délai peut être prorogé d’une égale durée avec l’accord des parties.

L’organisme arbitral ne peut statuer sur d’autres objets que ceux déterminés par le procès-verbal de non-conciliation ou ceux qui, résultant d’événements postérieurs à ce procès verbal, sont la conséquence directe du différend en cours.

Il se prononce en droit sur les points du conflit relatifs à l’interprétation des lois, règlements, conventions collectives ou accords en vigueur.

Il statue en équité sur les autres différends, notamment lorsque ceux-ci portent sur les salaires ou sur les conditions de travail quand celles-ci ne sont pas fixées par les dispositions des lois, règlements, conventions collectives ou accords collectifs en vigueur, ainsi que sur les différends relatifs à la négociation et à la révision des clauses des Conventions collectives.

Il a les plus larges pouvoirs pour s’informer de la situation économique des entreprises et de la situation des travailleurs intéressés par le conflit. Il peut procéder à toutes enquêtes auprès des entreprises et des syndicats et requérir des parties la production de tout document ou renseignement d’ordre économique, comptable, financier, statistique ou administratif susceptible de lui être utile pour l’accomplissement de sa mission. Il peut recourir aux offices d’experts comptables agréés, et généralement, de toute personne qualifiée susceptible de l’éclairer.

La sentence arbitrale est notifiée aux parties et à l’inspecteur du travail et des lois sociales par lettre recommandée avec accusé de réception dans les quarante-huit (48) jours de sa date.

La sentence arbitrale ne peut faire l’objet d’autres recours que pour excès de pouvoir ou violation de la loi, portés devant la Cour Suprême.

SECTION 4 :

MEDIATION

ARTICLE 82.12

Lorsque les parties conviennent de recourir à la procédure de la médiation, elles désignent un médiateur dans les conditions de l’article 82.10.

Le médiateur de la République peut être choisi comme médiateur.

Le médiateur convoque les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et, dans un délai de douze (12) jours ouvrables susceptible d’être prorogé d’une égale durée avec l’accord des parties, dresse un rapport motivé de ses investigations. Les conclusions de ce rapport établissent, sous forme de recommandation, un projet de règlement des points en litige.

Le médiateur a les mêmes pouvoirs que l’arbitre tels qu’ils sont définis à l’article 82.11 ci-dessus.

Toutefois, lorsque le médiateur constate que le conflit porte sur l’interprétation ou la violation d’une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, il doit recommander aux parties de soumettre les points litigieux à la juridiction compétente pour en connaître.

Le rapport contenant la recommandation du médiateur est immédiatement communiqués à l’inspecteur du travail et des lois sociales, qui les transmet aux parties dans les quarante-huit (48) jours qu’au ministre en charge du Travail.

A l’expiration d’un délai de quatre (4) jours francs à compter de la notification du rapport et de la recommandation du médiateur aux parties, si aucune de celles-ci n’a manifesté son opposition, les recommandations, sous réserve du dépôt prévu à l’alinéa 82.14 ci-dessous, acquiert force exécutoire.

L’opposition à peine de nullité est formée dans les délais ci-dessus indiqués par lettre recommandée adressée à l’inspecteur du travail et des lois sociales. Le récépissé de l’expédition fait foi de l’opposition.

En cas d’opposition, les conclusions de la recommandation sont rendues publiques.

SECTION 5 :

ARBITRAGE OBLIGATOIRE

ARTICLE 82.13

Le chef du Gouvernement peut, s’il estime que la grève ou le lock-out risque d’être préjudiciable à l’ordre public ou à l’intérêt général, décider de soumettre le différend au comité arbitral composé d’un magistrat et de deux arbitres suivant la procédure, les délais et les effets prévus au présent titre.

Cette possibilité est ouverte dans les circonstances suivantes :

  • si la grève affecte un service essentiel dont l’interruption risque de mettre en danger dans tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité des personnes ;
  • en cas de crise nationale aiguë.

SECTION 6 :

EXECUTION DES ACCORDS DE CONCILIATION, DES SENTENCES
ARBITRALES ET DES RECOMMANDATIONS DEVENUES EXECUTOIRES

ARTICLE 82.14

L’exécution des accords de conciliation, des sentences arbitrales et des recommandations devenues exécutoires est obligatoire.

La sentence arbitrale et la recommandation devenue exécutoire, en cas de leur silence sur ce point, produisent effet à dater du jour du dépôt de la requête aux fins de conciliation.

Les minutes des accords et sentences sont déposées au greffe du tribunal du Travail du lieu du différend au jour de leur rendu, les minutes des recommandations devenues exécutoires, au jour suivant l’expiration du délai d’opposition ou de la mainlevée de l’opposition si celle-ci a été formée.

Les accords de conciliation, les sentences arbitrales et les recommandations devenues exécutoires sont insérés au Journal Officiel et affichés dans les bureaux de l’inspecteur du travail et des lois sociales ainsi qu’au lieu du travail où est né le conflit.

Les syndicats professionnels peuvent exercer toutes actions qui naissent d’un Accord de conciliation, d’une sentence arbitrale ou d’une recommandation devenue exécutoire dans les conditions prévues à la section 2 du chapitre 2 du titre VII du présent Code.

ARTICLE 82.15

Lorsqu’un accord de conciliation, une sentence arbitrale ou une recommandation devenue exécutoire porte sur l’interprétation des clauses d’une Convention collective relatives aux salaires et aux conditions du travail, cet accord, cette sentence ou cette recommandation produit les effets d’une Convention collective.

Si l’accord, la sentence ou la recommandation est intervenu en vue de régler un différend survenu dans une branche d’activité où une Convention collective a été conclue en application des dispositions du présent Code, cet accord, cette sentence ou cette recommandation doit, à la demande des organisations syndicales signataires de la Convention collective étendue, faire l’objet d’un arrêté d’extension.

ARTICLE 82.16

L’arbitre, le médiateur, les personnes et les experts aux offices desquels il peut être fait appel en application du présent chapitre, sont tenus au secret professionnel sous les peines prévues à l’article ci-dessous, en ce qui concerne les informations et les documents qui leur sont communiqués ainsi que les faits qui viendraient à leur connaissance dans l’accomplissement de leur mission.

ARTICLE 82.17

Les frais occasionnés par la procédure de conciliation, d’arbitrage ou de médiation, notamment les frais de déplacements, pertes de salaires et de traitements, sont supportés, le cas échéant, par le budget de l’Etat.

Les conditions d’indemnisation des arbitres, médiateurs et experts sont déterminées par voie réglementaire.

ARTICLE 82.18

Sont interdites toutes grèves déclenchées avant épuisement de la procédure de conciliation et du délai de six (6) jours ouvrables suivant la notification aux parties du procès-verbal de non-conciliation, avant épuisement de la procédure d’arbitrage prévue aux section 3 et 5 en violation des dispositions d’un accord de conciliation, d’une sentence arbitrale ou d’une recommandation ayant acquis force exécutoire.

Les grèves engagées ou continuées en violation des présentes dispositions peuvent entraîner, pour les travailleurs la perte du droit à l’indemnité de préavis et aux dommages-intérêts pour rupture du contrat.