CHAPITRE 6 : DES DEBATS

SECTION 1 :

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 306

Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre et les mœurs. Dans ce cas, la Cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique.

Toutefois, le Président peut interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux.

Lorsque le huis clos a été ordonné, celui-ci s’applique au prononcé des arrêts qui peuvent intervenir sur les incidents contentieux visés à l’article 316.

L’arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique.

 

ARTICLE 307

Les débats ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu’à ce que la cause soit terminée par l’arrêt de la Cour d’assises.

Ils peuvent être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges et de l’accusé.

 

ARTICLE 308

Dès l’ouverture de l’audience, l’emploi de tout appareil d’enregistrement ou de diffusion sonore, de caméra de télévision ou de cinéma, d’appareils photographiques, est interdit sous peine d’une amende de 36.000 à 9 millions de francs qui peut être prononcée dans les conditions prévues au Titre VIII du livre IV.

 

ARTICLE 309

Le Président a la police de l’audience et la direction des débats.

Il rejette tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner lieu d’espérer plus de certitude dans les résultats.

 

ARTICLE 310

Le Président est investi d’un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et conscience, prendre toutes mesures qu’il croit utiles pour découvrir la vérité.

Il peut, au cours des débats, appeler au besoin par mandat d’amener et entendre toutes personnes ou se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraissent, d’après les développements donnés à l’audience, utiles à la manifestation de la vérité.

Les témoins ainsi appelés ne prêtent pas serment et leurs déclarations ne sont considérées que comme renseignements.

 

ARTICLE 311

Les magistrats membres de la Cour et les jurés peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins en demandant la parole au Président.

Ils ont le devoir de ne pas manifester leur opinion.

 

ARTICLE 312

Sous réserve des dispositions de l’article 309, le ministère public peut poser directement des questions, aux accusés et aux témoins.

L’accusé ou son conseil peut poser des questions, par l’intermédiaire du Président, aux coaccusés, aux témoins et à la partie civile. La partie civile ou son conseil peut, dans les mêmes conditions, poser des questions aux accusés et aux témoins.

 

ARTICLE 313

Le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu’il juge utiles : la Cour est tenue de lui donner acte et d’en délibérer.

Les réquisitions du ministère public prises dans le cours des débats sont mentionnées par le greffier sur son procès-verbal. Toutes les décisions auxquelles elles ont donné lieu sont signées par le Président et par le greffier.

 

ARTICLE 314

Lorsque la Cour ne fait pas droit aux réquisitions du ministère public, l’instruction ni le jugement ne sont arrêtés, ni suspendus.

 

ARTICLE 315

L’accusé, la partie civile et leurs conseils peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la Cour est tenue de statuer.

 

ARTICLE 316

Tous incidents contentieux sont réglés par la Cour, le ministère public, les parties ou leurs conseils entendus.

Ces arrêts ne peuvent préjuger du fond.

Ils ne peuvent être attaqués par la voie du recours en cassation qu’en même temps que l’arrêt sur le fond.

SECTION 2 :

DE LA COMPARUTION DE L’ACCUSE

ARTICLE 317

A l’audience, la présence d’un défenseur auprès de l’accusé est obligatoire.

Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l’article 274 ne se présente pas, le Président en commet un d’office.

 

ARTICLE 318

L’accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l’empêcher de s’évader.

 

ARTICLE 319

Si un accusé refuse de comparaître, sommation lui est faite au nom de la loi, par un huissier commis à cet effet par le Président, et assisté de la force publique. L’huissier dresse procès-verbal de la sommation et de la réponse de l’accusé.

ARTICLE 320

Si l’accusé n’obtempère pas à la sommation, le Président peut ordonner qu’il soit amené par la force devant la Cour ; il peut également, après lecture faite à l’audience du procès-verbal constatant sa résistance, ordonner que, nonobstant son absence, il soit passé outre aux débats.

Après chaque audience, il est, par le greffier de la Cour d’assises, donné lecture à l’accusé qui n’a pas comparu du procès-verbal des débats, et il lui est signifié copie des réquisitions du ministère public ainsi que des arrêts rendus par la Cour, qui sont tous réputés contradictoires.

ARTICLE 321

Lorsque, à l’audience, l’un des assistants trouble l’ordre de quelque manière que ce soit, le Président ordonne son expulsion de la salle d’audience.

Si, au cours de l’exécution de cette mesure, il résiste à cet ordre ou cause du tumulte, il est sur-le-champ, placé sous mandat de dépôt, jugé et puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans, sans préjudice des peines portées au Code pénal contre les auteurs d’outrages et de violences envers les magistrats.

Sur l’ordre du Président, il est alors contraint par la force publique de quitter l’audience.

ARTICLE 322

Si l’ordre est troublé par l’accusé lui-même, il lui est fait application des dispositions de l’article 321.

L’accusé, lorsqu’il est expulsé de la salle d’audience, est gardé par la force publique, jusqu’à la fin des débats, à la disposition de la Cour ; il est, après chaque audience, procédé ainsi qu’il est dit à l’article 320, alinéa 2.

SECTION 3 :

DE LA PRODUCTION ET DE LA DISCUSSION DES PREUVES

ARTICLE 323

Lorsque le conseil de l’accusé n’est pas inscrit à un barreau, le Président l’informe qu’il ne peut rien dire contre sa conscience ou le respect dû aux lois et qu’il doit s’exprimer avec décence et modération.

ARTICLE 324

(LOI N° 69-371 DU 12/08/1969)

Le Président ordonne au greffier de donner lecture de la liste des témoins appelés par le ministère public, par l’accusé et, s’il y a lieu, par la partie civile, et dont les noms ont été signifiés ou notifiés conformément aux prescriptions de l’article 281.

L’huissier de service fait appel de ces témoins.

ARTICLE 325

(LOI N° 98-747 DU 23/12/1998)

Le Président ordonne aux témoins de se retirer dans la chambre qui leur est destinée. Ils n’en sortent que pour déposer. Le Président prend, s’il en est besoin, toutes mesures utiles pour empêcher les témoins de conférer entre eux avant leur déposition.

Ils peuvent se faire assister d’un conseil.

ARTICLE 326

Lorsqu’un témoin cité ne comparaît pas, la Cour peut, sur réquisitions du ministère public ou même d’office, ordonner que ce témoin soit immédiatement amené par la force publique devant la Cour pour y être entendu, ou renvoyer l’affaire à la prochaine session.

En ce dernier cas, tous les frais de citation, d’actes, de voyage de témoins et autres ayant pour objet de faire juger l’affaire sont, hors le cas d’excuse légitime, à la charge de ce témoin et il y est contraint, même par corps, sur la réquisition du ministère public, par l’arrêt qui renvoie les débats à la session suivante.

Dans tous les cas, le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de faire sa déposition peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par la Cour à la peine portée à l’article 107.

La voie de l’opposition est ouverte au condamné qui n’a pas comparu. L’opposition s’exerce dans les cinq (5) jours de la signification de l’arrêt faite à sa personne ou à son domicile. La Cour statue sur cette opposition soit pendant la session en cours, soit au cours d’une session ultérieure.

ARTICLE 327

Le Président invite l’accusé à écouter avec attention la lecture de l’arrêt de renvoi.

Il ordonne au greffier de lire cet arrêt à haute et intelligible voix.

ARTICLE 328

Le Président interroge l’accusé et reçoit ses déclarations. Il a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité.

ARTICLE 329

(LOI N° 69-371 DU 12/08/1969)

Les témoins appelés par le ministère public ou les parties sont entendus dans le débat, même s’ils n’ont pas déposé à l’instruction, ou s’ils n’ont pas été signifiés ou notifiés conformément aux prescriptions de l’article 281.

ARTICLE 330

(LOI N° 69-371 DU 12/08/1969)

Le ministère public ou les parties peuvent s’opposer à l’audition d’un témoin dont le nom ne leur aurait pas été signifié ou notifié ou qui leur aurait été irrégulièrement signifié ou notifié.

La Cour statue sur cette opposition.

Si elle est reconnue fondée, ces témoins peuvent être entendus, à titre de renseignements, en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président.

ARTICLE 331

Les témoins déposent séparément l’un de l’autre, dans l’ordre établi par le Président.

Les témoins doivent, sur la demande du Président, faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, leur domicile ou résidence, s’ils connaissaient l’accusé avant le fait mentionné dans l’arrêt de renvoi, s’ils sont parents ou alliés, soit de l’accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le Président leur demande encore s’ils ne sont pas attachés au service de l’un ou de l’autre.

Avant de commercer leur déposition, les témoins prêtent le serment de « parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité « . Cela fait, les témoins déposent oralement.

Sous réserve des dispositions de l’article 309, les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition.

ARTICLE 332

Après chaque déposition, le Président peut poser des questions aux témoins.

Le ministère public, ainsi que les conseils de l’accusé et de la partie civile, l’accusé et la partie civile ont la même faculté, dans les conditions déterminées à l’article 312.

ARTICLE 333

(LOI N° 69-371 DU 12/08/1969)

Le Président fait dresser d’office ou à la requête du ministère public ou des parties, par le greffier, un procès-verbal des additions, changements ou variations qui peuvent exister entre la déposition d’un témoin et ses précédentes déclarations. Ce procès-verbal est joint au procès-verbal des débats.

ARTICLE 334

Chaque témoin, après sa déposition, demeure dans la salle d’audience, si le Président n’en ordonne autrement, jusqu’à la clôture des débats.

ARTICLE 335

Ne peuvent être reçues sous la foi du serment les dépositions :

1°) du père, de la mère ou de tout autre ascendant de l’accusé, ou de l’un des accusés présents et soumis au même débat ;

2°) du fils, de la fille ou de tout autre descendant ;

3°) des frères et sœurs ;

4°) des alliés aux mêmes degrés ;

5°) du mari ou de la femme ; cette prohibition subsiste même après le divorce ;

6°) de la partie civile ;

7°) des enfants au-dessous de l’âge de seize ans.

ARTICLE 336

Néanmoins, l’audition sous serment des personnes désignées par l’article précédent n’entraîne pas nullité lorsque le ministère public ni aucune des parties ne s’est opposé à la prestation de serment.

En cas d’opposition du ministère public ou d’une ou plusieurs des parties, le témoin peut être entendu à titre de renseignements, en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président.

ARTICLE 337

La personne qui, agissant en vertu d’une obligation légale ou de sa propre initiative, a porté les faits poursuivis à la connaissance de la justice, est reçue en témoignage mais le Président en avertit la Cour d’assises.

Celui dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la loi peut être entendu en témoignage, à moins qu’il n’y ait opposition d’une des parties ou du ministère public.

ARTICLE 338

Le ministère public, ainsi que la partie civile et l’accusé, peuvent demander, et le Président peut toujours ordonner, qu’un témoin se retire momentanément de la salle d’audience, après sa déposition, pour y être introduit et entendu s’il y a lieu après d’autres dépositions, avec ou sans confrontation.

ARTICLE 339

Le Président peut, avant, pendant ou après l’audition d’un témoin, faire retirer un ou plusieurs accusés, et les examiner séparément sur quelques circonstances du procès ; mais il a soin de ne reprendre la suite des débats qu’après avoir instruit chaque accusé de ce qui s’est fait en son absence, et ce qui en est résulté.

ARTICLE 340

Pendant l’examen, les magistrats et les jurés peuvent prendre note de ce qui leur paraît important, soit dans les dépositions des témoins, soit dans la défense de l’accusé, pourvu que les débats ne soient pas interrompus.

ARTICLE 341

Dans le cours ou à la suite des dépositions, le Président fait, s’il est nécessaire, présenter à l’accusé ou aux témoins les pièces à conviction et reçoit leurs observations.

Le Président les fait aussi présenter, s’il y a lieu, aux autres membres de la Cour et aux jurés.

ARTICLE 342

Si, d’après les débats, la déposition d’un témoin paraît fausse, le Président, soit d’office, soit à la requête du ministère public ou d’une des parties, peut ordonner spécialement à ce témoin d’être présent aux débats jusqu’à leur clôture et, en outre, de demeurer dans la salle d’audience jusqu’à prononcé de l’arrêt de la Cour d’assises.

En cas d’infraction à cet ordre, le Président fait mettre le témoin en état d’arrestation provisoire.

Après lecture de l’arrêt de la Cour d’assises, ou, dans le cas de renvoi à une autre session, le Président ordonne que le témoin soit, par la force publique, conduit sans délai devant le Procureur de la République qui requiert l’ouverture d’une information.

Le greffier transmet à ce magistrat une expédition du procès-verbal qui a pu être dressé par application de l’article 333.

ARTICLE 343

En tout état de cause la Cour peut ordonner d’office, ou à la requête du ministère public ou de l’une des parties, le renvoi de l’affaire à la prochaine session.

ARTICLE 344

Dans le cas où l’accusé, les témoins ou l’un d’eux, ne parlent pas suffisamment la langue française ou s’il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le Président nomme d’office un interprète, âgé de vingt et un ans au moins, et lui fait prêter serment de remplir fidèlement sa mission.

Le ministère public, l’accusé et la partie civile, peuvent récuser l’interprète en motivant leur récusation. La Cour se prononce sur cette récusation. Sa décision n’est susceptible d’aucune voie de recours.

L’interprète ne peut, même du consentement de l’accusé ou du ministère public, être pris parmi les juges composant la Cour, les jurés, le greffier qui tient l’audience, les parties et les témoins.

ARTICLE 345

Si l’accusé est sourd-muet et ne sait pas écrire, le Président nomme d’office en qualité d’interprète la personne qui a le plus l’habitude de converser avec lui.

Il en est de même à l’égard du témoin sourd-muet.

Les autres dispositions du précédent article sont applicables.

Dans le cas où le sourd-muet sait écrire, le greffier écrit les questions ou observations qui lui sont faites ; elles sont remises à l’accusé ou au témoin, qui donne par écrit ses réponses ou déclarations. Il est fait lecture du tout par le greffier.

ARTICLE 346

Une fois l’instruction à l’audience terminée, la partie civile ou son conseil est entendu. Le ministère public prend ses réquisitions.

L’accusé et son conseil présentent leur défense.

La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais l’accusé ou son conseil auront toujours la parole les derniers.

SECTION 4 :

DE LA CLÔTURE DES DEBATS

ARTICLE 347

Le Président déclare les débats terminés.

Il ne peut résumer les moyens de l’accusation et de la défense.

ARTICLE 348

Avant que la Cour d’assises ne se retire, le Président donne lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.

« La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels iIs se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs « Avez-vous une intime conviction? « .

ARTICLE 349

Le Président fait retirer l’accusé de la salle d’audience.

Il invite le chef du service d’ordre à faire garder les issues de la Chambre de délibérations, dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que ce soit, sans autorisation du Président.

Le Président déclare l’audience suspendue.