CHAPITRE 4 : DES OBLIGATIONS DU VENDEUR

SECTION 1 :

DISPOSITIONS GENERALES

 

ARTICLE 1602

Le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige.

Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur.

 

ARTICLE 1603

Il y a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.

 

SECTION 2 :

DE LA DELIVRANCE

ARTICLE 1604

La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.

 

ARTICLE 1605

L’obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu’il a remis les clefs, s’il s’agit d’un bâtiment, ou lorsqu’il a remis les titres de propriété.

 

ARTICLE 1606

La délivrance des effets mobiliers s’opère :

  • ou par tradition réelle ;
  • ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent ;
  • ou même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s’en faire au moment de la vente, ou si l’acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre.

 

ARTICLE 1607

La tradition des droits incorporels se fait, ou par la remise des titres, ou par l’usage que l’acquéreur en fait du consentement du vendeur.

 

ARTICLE 1608

Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur, et ceux de l’enlèvement à la charge de l’acheteur, s’il n’y a eu stipulation contraire.

 

ARTICLE 1609

La délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.

 

ARTICLE 1610

Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

 

ARTICLE 1611

Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

 

ARTICLE 1612

Le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement.

 

ARTICLE 1613

Il ne sera pas non plus obligé à la délivrance quand même il aurait accordé un délai pour le payement si, depuis la vente, l’acheteur est tombé en faillite ou en état de déconfiture, en sorte que le vendeur se trouve en danger imminent de perdre le prix ; à moins que l’acheteur ne lui donne caution de payer au terme.

 

ARTICLE 1614

La chose doit être délivrée en l’état où elle se trouve au moment de la vente.

Depuis ce jour, tous les fruits appartiennent à l’acquéreur.

 

ARTICLE 1615

L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

 

ARTICLE 1616

Le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu’elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées.

 

ARTICLE 1617

Si la vente d’un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l’acquéreur, s’il l’exige, la quantité indiquée au contrat.

Et si la chose ne lui est pas possible, ou si l’acquéreur ne l’exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix.

 

ARTICLE 1618

Si, au contraire, dans le cas de l’article précédent, il se trouve une contenance plus grande que celle exprimée au contrat, l’acquéreur a le choix de fournir le supplément du prix, ou de se désister du contrat, si l’excédent est d’un vingtième au-dessus de la contenance déclarée.

 

ARTICLE 1619

Dans tous les autres cas :

  • soit que la vente soit faite d’un corps certain et limité ;
  • soit qu’elle ait pour objet des fonds distincts et séparés ;
  • soit qu’elle commence par la mesure, ou par la désignation de l’objet vendu suivie de la mesure,

L’expression de cette mesure ne donne lieu à aucun supplément de prix, en faveur du vendeur, pour l’excédent de mesure, ni en faveur de l’acquéreur, à aucune diminution du prix pour moindre mesure, qu’autant que la différence de la mesure réelle à celle exprimée au contrat est d’un vingtième en plus ou en moins, eu égard à la valeur de la totalité des objets vendus, s’il n’y a stipulation contraire.

 

ARTICLE 1620

Dans le cas où, suivant l’article précédent, il y a lieu à augmentation de prix pour excédent de mesure, l’acquéreur a le choix ou de se désister du contrat ou de fournir le supplément du prix, et ce avec les intérêts s’il a gardé l’immeuble.

 

ARTICLE 1621

Dans tous les cas où l’acquéreur a le droit de se désister du contrat, le vendeur est tenu de lui restituer, outre le prix, s’il l’a reçu, les frais de ce contrat.

 

ARTICLE 1622

L’action en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l’acquéreur, doivent être intentées dans l’année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance.

 

ARTICLE 1623

S’il a été vendu deux fonds par le même contrat, et pour un seul et même prix, avec désignation de la mesure de chacun, et qu’il se trouve moins de contenance en l’un et plus en l’autre, on fait compensation jusqu’à due concurrence ; et l’action, soit en supplément, soit en diminution du prix, n’a lieu que suivant les règles ci-dessus établies.

 

ARTICLE 1624

La question de savoir sur lequel, du vendeur ou de l’acquéreur, doit tomber la perte ou la détérioration de la chose vendue avant la livraison est jugée d’après les règles prescrites au titre Des contrats ou des obligations conventionnelles en général.

SECTION 3 :

DE LA GARANTIE

ARTICLE 1625

La garantie que le vendeur doit à l’acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de Cette chose ou les vices rédhibitoires.

 

PARAGRAPHE 1 :

DE LA GARANTIE EN CAS D’EVICTION

ARTICLE 1626

Quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

 

ARTICLE 1627

Les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l’effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie.

 

ARTICLE 1628

Quoi qu’il soit dit que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie, il demeure cependant tenu de celle qui résulte d’un fait qui lui est personnel : toute convention contraire est nulle.

 

ARTICLE 1629

Dans le même cas de stipulation de non-garantie, le vendeur, en cas d’éviction, est tenu à la restitution du prix à moins que l’acquéreur n’ait connu lors de la vente le danger de l’éviction, ou qu’il n’ait acheté à ses périls et risques.

 

ARTICLE 1630

Lorsque la garantie a été promise, ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur :

1°) la restitution du prix ;

2°) celle des fruits, lorsqu’il est obligé de les rendre au propriétaire qui l’évince ;

3°) les frais faits sur la demande en garantie de l’acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;

4°) enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.

 

ARTICLE 1631

Lorsqu’à l’époque de l’éviction, la chose vendue se trouve diminuée de valeur, ou considérablement détériorée, soit par la négligence de l’acheteur, soit par des accidents de force majeure, le vendeur n’en est pas moins tenu de restituer la totalité du prix.

 

ARTICLE 1632

Mais si l’acquéreur a tiré profit des dégradations par lui faites, le vendeur a droit de retenir sur le prix une somme égale à ce profit.

 

ARTICLE 1633

Si la chose vendue se trouve avoir augmenté de prix à l’époque de l’éviction, indépendamment même du fait de l’acquéreur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu’elle vaut au-dessus du prix de la vente.

 

ARTICLE 1634

Le vendeur est tenu de rembourser ou de faire rem­bourser à l’acquéreur, par celui qui l’évince, toutes les réparations et améliorations utiles qu’il aura faites au fonds.

 

ARTICLE 1635

Si le vendeur avait vendu de mauvaise foi le fonds d’autrui, il sera obligé de rembourser à l’acquéreur toutes les dépenses, même voluptuaires ou d’agrément, que celui-ci aura faites au fonds.

 

ARTICLE 1636

Si l’acquéreur n’est évincé que d’une partie de la chose, et qu’elle soit de telle conséquence, relativement au tout, que l’acqué­reur n’eût point acheté sans la partie dont il a été évincé, il peut faire résilier la vente.

 

ARTICLE 1637

Si, dans le cas de l’éviction d’une partie du fonds vendu, la vente n’est pas résiliée, la valeur de la partie dont l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur.

 

ARTICLE 1638

Si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité.

 

ARTICLE 1639

Les autres questions auxquelles peuvent donner lieu les dommages et intérêts résultant pour l’acquéreur de l’inexécution de la vente doivent être décidées suivant les règles générales établies au titre Des contrats ou des obligations conventionnelles en général.

 

ARTICLE 1640

La garantie pour cause d’éviction cesse lorsque l’acquéreur s’est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l’appel n’est plus recevable, sans appeler son vendeur, si celui-ci prouve qu’il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande.

 

PARAGRAPHE 2 :

DE LA GARANTIE DES DEFAUTS DE LA CHOSE VENDUE

ARTICLE 1641

Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

 

ARTICLE 1642

Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

 

ARTICLE 1643

II est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

 

ARTICLE 1644

Dans le cas des articles 1641 à 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts.

 

ARTICLE 1645

Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

 

ARTICLE 1646

Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.

 

ARTICLE 1647

Si la chose qui avait des vices, a péri par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l’acheteur à la restitution du prix, et aux autres dédommagements ex­pliqués dans les deux articles précédents.

Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour le compte de l’acheteur.

 

ARTICLE 1648

L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l’usage du lieu où la vente a été faite.

 

ARTICLE 1649

Elle n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.