CHAPITRE 4 : DES DONATIONS ENTRE VIFS

SECTION 1

DE LA FORME DES DONATIONS ENTRE VIFS

ARTICLE 26

Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaire, dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité.

 

ARTICLE 27

La donation entre vifs n’engagera le donateur, et ne produira aucun effet, que du jour qu’elle aura été acceptée en termes exprès.

L’acceptation pourra être faite du vivant du donateur, par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute ; mais alors la donation n’aura d’effet, à l’égard du donateur, que du jour où l’acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié.

 

ARTICLE 28

Si le donataire est majeur, l’acceptation doit être faite par lui, ou, en son nom, par la personne fondée de sa procuration, portant pouvoir d’accepter la donation faite, ou un pouvoir général d’accepter les donations qui auraient été ou qui pourraient être faites.

Cette procuration devra être passée devant notaire ; et une expédition devra en être annexé à la minute de la donation, ou à la minute de l’acceptation qui sera faite par acte séparé.

 

ARTICLE 29

La donation devra être acceptée si elle est faite :

  • à un mineur non émancipé, par celui de ses père ou mère, qui se trouvera investi de la puissance paternelle et, à défaut des père et mère, par le tuteur, dans les conditions prévues par les dispositions régissant la minorité et la tutelle ;
  • à un mineur émancipé, par celui-ci dans les conditions prévues par les dispositions régissant l’émancipation ;
  • à un interdit, dans les conditions prévues par les dispositions régissant l’interdiction.

 

ARTICLE 30

Le sourd-muet qui saura écrire, pourra accepter lui-même ou par un fondé de pouvoir.

S’il ne sait pas écrire, la donation devra être homologuée par le tribunal ou la section de tribunal du domicile du donateur, lequel statuera en chambre du conseil, le ministère public entendu.

 

ARTICLE 31

Les donations faites au profit des collectivités publiques où des établissements d’utilité publique seront acceptées par les administrateurs de ces collectivités ou établissements, après y avoir été dûment autorisés.

 

ARTICLE 32

La donation dûment acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties ou, dans le cas prévu à l’article 30, à compter de l’homologation. La propriété des objets donnés sera transférée au donataire, sans qu’il soit besoin d’autre tradition.

 

ARTICLE 33

Lorsqu’il y aura donation de biens susceptibles d’hypothèques, la «publication » des actes contenant la donation et l’acceptation, ainsi que la notification de l’acceptation qui aurait eu lieu par acte séparé, devra être faite au bureau de la Conservation foncière de la situation des biens.

 

ARTICLE 34

Lorsque la donation sera faite à des mineurs, à des interdits, à des collectivités ou à des établissements publics, la « publication » sera faite à la diligence des personnes habilitées à accepter pour le compte des donataires.

 

ARTICLE 35

Le défaut de « publication » pourra être opposé par toutes personnes ayant intérêt, excepté toutefois celles qui sont chargées de faire faire la « publication », ou leurs ayants cause, et le donateur.

 

ARTICLE 36

Les mineurs et les interdits ne seront point restitués contre le défaut d’acceptation ou de « publication » des donations ; sauf leur recours contre les personnes chargées d’accomplir ces formalités en leur nom, s’il y échet, et sans que la restitution puisse avoir lieu, dans le cas même où lesdites personnes se trouveraient insolvables.

 

ARTICLE 37

La donation entre vifs ne pourra comprendre que les biens présents du donateur ; si elle comprend des biens à venir, elle sera nulle à cet égard.

 

ARTICLE 38

Toute donation entre vifs faite sous des conditions dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur, sera nulle.

 

ARTICLE 39

Elle sera pareillement nulle, si elle a été faite sous la condition d’acquitter d’autres dettes ou charges que celles qui existaient à l’époque de la donation, ou qui seraient exprimées, soit dans l’acte de donation, soit dans l’acte qui devrait y être annexé.

 

ARTICLE 40

En cas que la donateur se soit réservé la liberté de disposer d’un effet compris dans la donation, ou d’une somme fixe sur les biens donnés, s’il meurt sans en avoir disposé, ledit effet ou ladite somme appartiendra aux héritiers du donateur, nonobstant toutes clauses et stipulations à ce contraires.

 

ARTICLE 41

Tout acte de donation d’effets mobiliers ne sera valable que pour les effets dont un état estimatif, signé du donateur, et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été annexé à la minute de la donation.

 

ARTICLE 42

Il est permis au donateur de faire la réserve à son profit, ou de disposer, au profit d’un autre, de la jouissance ou de l’usufruit des biens meubles ou immeubles donnés.

 

ARTICLE 43

Lorsque la donation d’effets mobiliers aura été faite avec réserve d’usufruit, le donataire sera tenu, à l’expiration de l’usufruit, de prendre les effets donnés qui se trouveront en nature, dans l’état où ils seront.

 

ARTICLE 44

Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés, soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.

Ce droit ne pourra être stipulé qu’au profit du donateur seul et il n’aura d’effet que si les biens donnés se retrouvent dans la succession du donataire ou de ses descendants.

 

SECTION 2 :

DES EXCEPTIONS A LA REGLE DE L’IRREVOCABILITE
DES DONATIONS ENTRE VIFS

ARTICLE 45

La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite et pour cause d’ingratitude.

 

ARTICLE 46

Dans le cas de la révocation pour cause d’inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire ; et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu’il aurait contre le donataire lui-même.

 

ARTICLE 47

La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause, d’ingratitude que dans les cas suivants :

1°) si le donataire a attenté à la vie du donateur ;

2°) s’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;

3°) s’il lui refuse des aliments.

 

ARTICLE 48

La révocation pour cause d’inexécution des conditions, ou pour cause d’ingratitude, n’aura jamais lieu de plein droit.

 

ARTICLE 49

La demande en révocation pour cause d’ingratitude devra être formée dans l’année, à compter du jour où se sera produit le fait imputé par le donateur au donataire, ou du jour que ce fait aura pu être connu par le donateur.

Cette révocation ne pourra être demandée par le donateur contre les héritiers du donataire, ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l’action n’ait été intentée par le donateur, ou qu’il ne soit décédé dans l’année du fait y donnant lieu.

 

ARTICLE 50

La révocation pour cause d’ingratitude ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et autres charges réelles qu’il aura pu imposer sur l’objet de la donation, pourvu que le tout soit antérieur à la publication, au bureau de la Conservation foncière de la situation des biens, de la demande en révocation.

Dans le cas de révocation, le donataire sera condamné à restituer la valeur des objets aliénés, eu égard au temps de la demande, et les fruits, à compter du jour de cette demande.