CHAPITRE 3 : DES ENGAGEMENTS DES ASSOCIES ENTRE EUX ET A L’EGARD DES TIERS

SECTION 1

:DES ENGAGEMENTS DES ASSOCIES ENTRE EUX

ARTICLE 1843

La société commence à l’instant même du contrat s’il ne désigne une autre époque.

 

ARTICLE 1844

S’il n’y a pas de convention sur la durée de la société, elle est censée contractée pour toute la vie des associés, sous la modification portée en l’article 1869 ; ou, s’il s’agit d’une affaire dont la durée soit limitée, pour tout le temps que doit durer cette affaire.

 

ARTICLE 1845

Chaque associé est débiteur envers la société, de tout ce qu’il a promis d’y apporter.

Lorsque cet apport consiste en un corps certain, et que la société en est évincée, l’associé en est garant envers la société, de la même manière qu’un vendeur l’est envers son acheteur.

 

ARTICLE 1846

L’associé qui devait apporter une somme dans la société, et qui ne l’a point fait, devient de plein droit et sans demande, débiteur des intérêts de cette somme, à compter du jour où elle devait être payée.

Il en est de même à l’égard des sommes qu’il a prises dans la caisse sociale, à compter du jour où il les a tirées pour son profit particulier.

Le tout sans préjudice de plus amples dommages-intérêts, s’il y a lieu.

 

ARTICLE 1847

Les associés qui se sont soumis à apporter leur indus­trie à la société lui doivent compte de tous les gains qu’ils ont faits par l’espèce d’industrie qui est l’objet de cette société.

 

ARTICLE 1848

Lorsque l’un des associés est, pour son compte particulier, créancier d’une somme exigible envers une personne qui se trouve aussi devoir à la société une somme également exigible, l’imputation de ce qu’il reçoit de ce débiteur doit se faire sur la créance de la société et sur la sienne dans la portion des deux créances, encore qu’il eût par sa quittance dirigé l’imputation intégrale sur sa créance particulière ; mais s’il a exprimé dans sa quittance que l’imputation serait faite en entier sur la créance de la société, cette stipulation sera exécutée.

 

ARTICLE 1849

Lorsqu’un des associés a reçu sa part entière de la créance commune, et que le débiteur est depuis devenu insolvable, cet associé est tenu de rapporter à la masse commune ce qu’il a reçu, encore qu’il eût spécialement donné quittance pour sa part.

 

ARTICLE 1850

Chaque associé est tenu envers la société des dommages qu’il lui a causés par sa faute, sans pouvoir compenser avec ces dommages les profits que son industrie lui aurait procurés dans d’autres affaires.

ARTICLE 1851

Si les choses dont la jouissance seulement a été mise dans la société sont des corps certains et déterminés, qui ne se consomment point par l’usage, elles sont aux risques de l’associé propriétaire. Si les choses se consomment, si elles se détériorent en les gardant, si elles ont été destinées à être vendues, ou si elles ont été mises dans la société sur une estimation portée par un inventaire, elles sont aux risques de la société.

Si la chose a été estimée, l’associé ne peut répéter que le montant de son estimation.

 

ARTICLE 1852

Un associé a action contre la société, non seulement à raison des sommes qu’il a déboursées pour elle, mais encore à raison des obligations qu’il a contractées de bonne foi pour les affaires de la société, et des risques inséparables de sa gestion.

 

ARTICLE 1853

Lorsque l’acte de société ne détermine point la part de chaque associé dans les bénéfices ou pertes, la part de chacun est en proportion de sa mise dans le fonds de la société.

A l’égard de celui qui n’a apporté que son industrie, sa part dans les bénéfices ou dans les pertes est réglée comme si sa mise eût été égale à celle de l’associé qui a le moins apporté.

ARTICLE 1854

Si les associés sont convenus de s’en rapporter à l’un d’eux ou à un tiers pour les règlements des parts, ce règlement ne peut être attaqué s’il n’est évidemment contraire à l’équité.

Nulle réclamation n’est admise à ce sujet, s’il s’est écoulé plus de trois mois depuis que la partie qui se prétend lésée a eu connaissance du règlement, ou si ce règlement a reçu de sa part un commencement d’exécution.

 

ARTICLE 1855

La convention qui donnerait à l’un des associés la totalité des bénéfices est nulle.

Il en est de même de la stipulation qui affranchirait de toute contribution aux pertes, les sommes ou effets mis dans le fonds de la société par un ou plusieurs des associés.

ARTICLE 1856

L’associé chargé de l’administration par une clause spéciale du contrat de société peut faire, nonobstant l’opposition des autres associés, tous les actes qui dépendent de son administration, pourvu que ce soit sans fraude.

Ce pouvoir ne peut être révoqué sans cause légitime, tant que la société dure ; mais s’il n’a été donné que par acte postérieur au contrat de la société, il est révocable comme un simple mandat.

 

ARTICLE 1857

Lorsque plusieurs associés sont chargés d’administrer, sans que leurs fonctions soient déterminées, ou sans qu’il ait été exprimé que l’un ne pourrait agir sans l’autre, ils peuvent faire chacun séparément tous les actes de cette administration.

 

ARTICLE 1858

S’il a été stipulé que l’un des administrateurs ne pourra rien faire sans l’autre, un seul ne peut, sans une nouvelle convention, agir en l’absence de l’autre, lors même que celui-ci serait dans l’impossibilité actuelle de concourir aux actes d’administration.

 

ARTICLE 1859

A défaut de stipulations contraires sur le mode d’ad­ministration, l’on suit les règles suivantes :

  • les associés sont censés s’être donné réciproquement le pouvoir d’administrer l’un pour l’autre. Ce que chacun fait est valable même pour la part de ses associés, sans qu’il ait pris leur consentement ; sauf le droit qu’ont ces derniers, ou l’un d’eux, de s’opposer à l’opération avant qu’elle soit conclue ;
  • chaque associé peut se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu’il les emploie à leur destination fixée par l’usage, et qu’il ne s’en serve pas contre l’intérêt de la société, ou de manière à empêcher ses associés d’en user selon leur droit ;
  • chaque associé a le droit d’obliger ses associés à faire avec lui les dépenses qui sont nécessaires pour la conservation des choses de la société ;
  • l’un des associés ne peut faire d’innovations sur les immeubles dépendant de la société, même quand il les soutiendrait avantageuses à cette société, si les autres associés n’y consentent.

 

ARTICLE 1860

L’associé qui n’est point administrateur, ne peut aliéner ni engager les choses mêmes mobilières qui dépendent de la société.

 

ARTICLE 1861

Chaque associé peut, sans le consentement de ses as­sociés, s’associer une tierce personne relativement à la part qu’il a dans la société : il ne peut pas, sans ce consentement, l’associer à la société, lors même qu’il en aurait l’administration.

 

SECTION 2 :

DES ENGAGEMENTS DES ASSOCIES A L’EGARD DES TIERS

ARTICLE 1862

Dans les sociétés autres que celles de commerce; les associés ne sont pas tenus solidairement des dettes sociales, et l’un des associés ne peut obliger les autres si ceux-ci ne lui en ont conféré le pouvoir.

 

ARTICLE 1863

Les associés sont tenus envers le créancier avec lequel ils ont contracté, chacun pour une somme et part égales, encore que la part de l’un d’eux dans la société fût moindre, si l’acte n’a pas spécialement restreint l’obligation de celui-ci sur le pied de cette dernière part.

 

ARTICLE 1864

La stipulation que l’obligation est contractée pour le compte de la société ne lie que l’associé contractant et non les autres, à moins que ceux-ci ne lui aient donné pouvoir, ou que la chose n’ait tourné au profit de la société.