CHAPITRE 2 : DU DEPÔT PROPREMENT DIT

SECTION 1 :

DE LA NATURE ET DE L’ESSENCE DU CONTRAT DE DEPÔT

ARTICLE 1917

Le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit.

 

ARTICLE 1918

II ne peut avoir pour objet que des choses mobilières.

 

ARTICLE 1919

II n’est parfait que par la tradition réelle ou feinte de la chose déposée.

La tradition feinte suffit, quand le dépositaire se trouve déjà nanti, à quelque autre titre, de la chose que l’on consent à lui laisser à titre de dépôt.

 

ARTICLE 1920

Le dépôt est volontaire ou nécessaire.

 

SECTION 2 :

DU DEPÔT VOLONTAIRE

ARTICLE 1921

Le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit.

 

ARTICLE 1922

Le dépôt volontaire ne peut régulièrement être fait que par le propriétaire de la chose déposée, ou de son consentement exprès ou tacite.

 

ARTICLE 1923

Le dépôt volontaire doit être prouvé par écrit. La preuve testimoniale n’en est point reçue pour valeur excédant cinq cents francs (1).

 

ARTICLE 1924

Lorsque le dépôt, étant au-dessus de cinq cents francs, n’est point prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire en est cru sur sa déclaration, soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l’objet, soit pour le fait de sa restitution (1).

 

ARTICLE 1925

Le dépôt volontaire ne peut avoir lieu qu’entre personnes capables de contracter.

Néanmoins, si une personne capable de contracter accepte le dépôt fait par une personne incapable, elle est tenue de toutes les obligations d’un véritable dépositaire ; elle peut être poursuivie par le tuteur ou administrateur de la personne qui a fait le dépôt.

 

ARTICLE 1926

Si le dépôt a été fait par une personne capable à une personne qui ne l’est pas, la personne qui a fait le dépôt n’a que l’action en revendication de la chose déposée, tant qu’elle existe dans la main du dépositaire, ou une action en restitution jusqu’à concurrence de ce qui a tourné au profit de ce dernier.

 

SECTION 3 :

DES OBLIGATIONS DU DEPOSITAIRE

ARTICLE 1927

Le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

 

ARTICLE 1928

La disposition de l’article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :

  • si le dépositaire s’est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;
  • s’il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;
  • si le dépôt a été fait uniquement pour l’intérêt du dépositaire ;
  • s’il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute.

 

ARTICLE 1929

Le dépositaire n’est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu’il n’ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.

 

ARTICLE 1930

Il ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du déposant.

(1) V. note sous art. 1311.

 

ARTICLE 1931

Il ne doit point chercher à connaître quelles sont les choses qui `lui ont été déposées, si elles lui ont été confiées dans un coffre fermé ou sous une enveloppe cachetée.

 

ARTICLE 1932

Le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu’il a reçue.

 

ARTICLE 1933

Le dépositaire n’est tenu de rendre la chose déposée que dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant.

ARTICLE 1934

Le dépositaire auquel la chose a été enlevée par la force majeure, et qui a reçu un prix ou quelque chose à sa place, doit restituer ce qu’il a reçu en échange.

 

ARTICLE 1935

L’héritier du .dépositaire, qui a vendu de bonne foi la chose dont il ignorait le dépôt, n’est tenu que de rendre le prix qu’il a reçu, ou de céder son action contre l’acheteur, S il n’a pas touché le prix.

 

ARTICLE 1936

Si la chose déposée a produit des fruits qui aient été perçus par le dépositaire, il est obligé de les restituer. Il ne doit aucun intérêt de l’argent déposé. Si ce n’est du jour où il a été mis en demeure de faire la restitution.

 

ARTICLE 1937

Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir.

 

ARTICLE 1938

Il ne peut pas exiger de celui qui a fait le dépôt la preuve qu’il était propriétaire de la chose déposée.

Néanmoins, s’il découvre que la- chose a été volée, et quel en est le véritable propriétaire, il doit dénoncer à celui-ci le dépôt qui a été fait avec sommation de le réclamer dans-un délai déterminé et suffisant. Si celui auquel la dénonciation a été faite néglige de réclamer le dépôt, le dépositaire est valablement déchargé par la tradition qu’il en fait à celui duquel il l’a reçu.

ARTICLE 1939

En cas de-mort naturelle ou civile de la personne qui a fait le dépôt, la chose déposée ne peut être rendue qu’à son héritier.

S’il y a plusieurs héritiers, elle doit être rendue à chacun d’eux pour leur part et portion.

Si la chose déposée est indivisible, les héritiers doivent s’accorder entre eux pour la recevoir.

ARTICLE 1940

Si la personne qui a fait le dépôt a changé d’état par exemple, la femme, libre au moment où le dépôt a été fait, s’est mariée depuis ; si le majeur déposant se trouve frappé d’interdiction dans tous ces cas, et autres de même nature, le dépôt ne peut être celui qui a l’administration des droits et des biens du déposant.

 

ARTICLE 1941

Si le dépôt a été fait par un tuteur, par un mari ou par administrateur, dans l’Une de ces qualités, il ne peut être restitué qu’à la, personne que ce tuteur, ce mari ou cet administrateur représentaient, si leur gestion où leur administration est finie.

 

ARTICLE 1942

Si le contrat de dépôt le lieu dans lequel la restitution doit être faite, le dépositaire est tenu d’y porter la chose déposée.

S’il y a des frais de transport, ils sont à la charge du déposant.

 

ARTICLE 1943

Si le contrat ne désigne point le lieu de la restitution, elle doit être laité dans le lieu même du dépôt.

 

ARTICLE 1944

Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu’il le réclame, lors même que le contrat aurait fixé un délai déterminé pour la restitution ; à moins qu’il n’existe, entre les mains du dépositaire, une saisie-arrêt ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée.

 

ARTICLE 1945

Le dépositaire infidèle n’est point admis au bénéfice de cession.

 

ARTICLE 1946

Toutes les obligations du dépositaire cessent s’il vient à découvrir et à prouver qu’il est lui-même propriétaire de la chose déposée.

 

SECTION 4 :

DES OBLIGATIONS DE LA PERSONNE PAR LAQUELLE LE DEPÔT A ETE FAIT

ARTICLE 1947

La personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser ‘au dépositaire les dépensés qu’il a faites pour la conservation, de la chose déposée, et de l’indemniser dé toutes les pertes que le dépôt Peut lui avoir occasionnées.

 

ARTICLE 1948

Le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à raison du dépôt.

 

SECTION 5 :

DU DEPÔT NECESSAIRE

ARTICLE 1949

Le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu.

 

ARTICLE 1950

La preuve par témoins peut être reçue pour le dépôt nécessaire même quand il s’agit d’une valeur au-dessus de cinq cents francs.

 

ARTICLE 1951

Le dépôt nécessaire est d’ailleurs régi par toutes les règles précédemment énoncées.

 

ARTICLE 1952

Les aubergistes ou hôteliers sont responsables comme dépositaires, des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux. Le dépôt de ces sortes d’effets doit être regardé comme un dépôt nécessaire.

 

ARTICLE 1953

Ils sont responsables du vol et du dommage des effets de voyageur, soit que le vol ait été fait ou que, le dommage ait été causé par les domestiques et préposés de l’hôtellerie, ou par des étrangers allant et venant .dans l’hôtellerie.

Cette responsabilité est limitée à mille francs (1.000 frs), pour les espèces monnayées, les valeurs, les titres, les bijoux et les objets de toute nature non déposés réellement entre les mains des aubergistes ou hôteliers.

 

ARTICLE 1954

Ils ne sont pas responsables des vols faits avec force armée ou autre force majeure.